L’Université du Québec à Montréal (UQAM) recevait en son sein, en octobre dernier, lors d’un Symposium international intitulé « Égalité femmes-hommes : moteur du développement inclusif dans la Francophonie », des chercheuses académiques de divers horizons. Elles répondaient à l’invitation de l’Observatoire francophone pour le développement inclusif par le genre (OFDIG) qui organisait, sous l’égide de l’Agence universitaire de la francophonie, deux journées de réflexion sur la réalité des inégalités et des efforts qu’il restait à déployer sur cette problématique contemporaine. Retour sur un rendez-vous académique incontournable, qui s’est tenu le 11 et 12 octobre, et qui nous rappelle que le tableau est encore loin d’être parfait.
« Les défis liés au développement inclusif par le genre et aux égalités femmes-hommes ne sont pas les mêmes dans les différentes régions de la planète. Pourtant, ils sont présents partout! C’est en nous réunissant et en échangeant nos points de vue et expériences que nous pouvons avoir une vision d’ensemble, s’inspirer les unes des autres pour mettre en place de meilleures stratégies et agir de façons structurantes. » C’est ainsi que Caterine Bourassa-Dansereau, professeure au Département de Communication sociale et publique de l’UQAM et codirectrice de l’OFDIG, nous explique quel a été le rôle principal de ce premier Symposium international.
En effet, les inégalités femmes-hommes (FH) demeurent une des choses les plus partagées sur la planète. Dans les trois secteurs-clés sur lesquels se concentre l’OFDIG, à savoir les milieux économiques, les systèmes éducatifs et le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche, les données décrivent une triste réalité. En éducation, par exemple, même si des progrès notables ont été réalisés, une fille sur huit, dans le monde, en âge de fréquenter un établissement d’enseignement primaire ou secondaire ne peut pas y accéder selon le rapport 2019 du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science (UNESCO) va dans le même sens, puisque dans son rapport publié en 2020, dans au moins 20 pays qui sont situés essentiellement en Afrique subsaharienne, quasiment aucune jeune femme rurale et pauvre n’a achevé le second cycle de l’enseignement secondaire.
Dans le domaine économique, les tendances actuelles laissent penser qu’il faudra 202 ans pour combler l’écart économique entre les genres selon le PNUD. D’ailleurs, une variable difficilement quantifiable, le « travail invisible », repose principalement sur les épaules des femmes. En effet, à l’échelle mondiale, les femmes consacrent 2 fois et demie plus de temps au travail familial et domestique non rémunéré que les hommes. Sans compter les amplificateurs d’inégalités de genre, à savoir la pauvreté, la violence et le contexte de pandémie depuis mars 2020 qui viennent exacerber ces disparités.
Ainsi, face à ce sombre tableau, les chercheuses réunies ont tenté d’apporter leur expertise. D’un État des lieux général sur la situation des inégalités à des expériences et des portraits spécifiques et régionaux (Maroc, République démocratique du Congo, Canada, Côte d’Ivoire, etc.), les chercheuses se sont employées à débroussailler un champ aussi large que fondamental pour l’évolution de l’égalité.
À titre d’exemple, lors d’un atelier, la professeure Linda Cardinal, cochercheuse à l’OFDIG, professeure à l’Université de l’Ontario français et titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques, et sa collègue, la doctorante Veika Bedia Donatien, ont partagé leur recherche sur l’effectivité des mesures en matière d’Équité Diversité Inclusion (ÉDI) au sein des universités canadiennes. La professeure Odome Angone de l’Université de Cheikh Anta Diop de Dakar, au Sénégal, a souligné, quant à elle, le besoin d’un lieu de rencontre pour les chercheuses de la francophonie, notamment pour une meilleure circulation du savoir en proposant notamment des résidences d’écriture sous-régionales. Elle a partagé son expérience récente de « résidence d’écriture décoloniale » à Accra, au Ghana, tout en témoignant des difficultés et de la précarité de la « chercheuse africaine ». La professeure à l’Université de Yaoundé, anthropologue et cochercheuse à l’OFDIG, Sariette Batibonak, a abordé l’entrepreneuriat des femmes au Cameroun tout en mettant en lumière le paradoxe entre la mise à l’écart des femmes dans le monde formel des affaires et leur participation considérable au secteur économique informel.
« Au-delà des partages d’expériences novatrices et de réflexions inspirantes de femmes de toute la Francophonie, je retiens l’importance de créer des réseaux internationaux pour collaborer autour des questions d’égalité et de développement inclusif. Nous avons vu au Symposium qu’ensemble, nous sommes plus fortes et irons plus loin » prédit fièrement la professeure Bourassa-Dansereau.
Sa collègue et codirectrice de l’OFDIG, Marie Langevin, abonde dans le même sens, sur cet esprit de communauté de recherche en train de se former. « Elles ont offert des visions plurielles d’actrices de terrain avec, pour et par les femmes. Nous avons pu voir l’importance des idées et des réseaux qui vont nous aider à développer des outils et permettre, ensemble, de cheminer dans cette problématique des inégalités » conclut la professeure au Département de Stratégie, responsabilité sociale et environnementale à l’UQAM.
À peine un an après son lancement le 8 mars 2022, l’OFDIG a réussi son premier pari : réunir des chercheuses féministes issues de différents horizons de la francophonie pour échanger leurs expertises sur la question de l’égalité FH.
Pour Caterine Bourassa-Dansereau les prochaines échéances sont déjà là. « Notre prochain Symposium international se tiendra en 2024. Il sera dans un pays du Sud global. C’est important pour nous que nos rencontres se passent dans différents pays, afin de refléter les réalités complexes et diversifiées qui caractérisent les différentes régions de la Francophonie lorsque nous abordons les questions des inégalités femmes-hommes et du développement inclusif ».