Politique: les Verts européens face aux dilemmes du pouvoir

Par Jean-François Venne

Le pouvoir, on le veut ou pas ? Et si oui, avec qui le partage-t-on et pour en faire quoi ? Ces questions se posent avec acuité dans les partis verts de l’Europe de l’Ouest et du Nord, devenus familiers des coalitions gouvernementales et qui rêvent maintenant de présidence et de chancellerie.

Comme c’est le cas pour toutes les familles politiques, des courants idéologiques contradictoires cohabitent au sein des formations écologistes européennes. « Une tendance radicale vise un changement de système économique, détaille Caroline Close, chercheuse au Centre d’étude de la vie politique à l’Université libre de Bruxelles. Cette vision s’oppose à une autre qui croit à l’élaboration de solutions technologiques pour surmonter les défis environnementaux sans bouleverser notre mode de vie. Entre les deux, une mouvance de centre gauche tente d’articuler justice environnementale et justice sociale. »

Les affrontements entre ces courants ont des impacts majeurs sur les stratégies électorales. Entre les années 1980 et 1990, par exemple, un débat féroce entre les Fundis (pour fondamentalistes) et les Realos (pour réalistes) a déchiré les Verts allemands. Les Realos souhaitaient pouvoir négocier une entente avec n’importe quel parti, de gauche comme de droite. À l’inverse, les Fundis refusaient tout pacte avec les autres formations, jugeant les programmes de ces dernières inconciliables avec les valeurs des Verts.

C’est seulement après avoir tranché ce débat que les Verts allemands, menés par les Realos, ont pu intégrer une coalition avec le Parti social-démocrate (SPD), en 1998. « C’est ce qui explique qu’aujourd’hui les Verts peuvent envisager de gouverner avec le FDP, un parti libéral aux positions très éloignées de celles des écologistes, explique Daniel Boy, directeur de recherche émérite au Centre de recherches politiques de Sciences Po. Cela serait impensable en France, où Europe Écologie Les Verts (EELV) s’est aligné sur la gauche. »

Des ententes avec la droite

La compétition électorale pose les questions du programme et de la stratégie. En devenant des partis qui aspirent au pouvoir, les Verts ont dû prendre position sur des enjeux qui ne sont pas directement reliés à l’écologie, comme l’immigration, la sécurité ou encore la réforme des retraites.

Dans les pays d’Europe de l’Est, les partis écologistes descendent souvent de mouvements agrariens ancrés dans les régions rurales et restent plus conservateurs. « En Europe de l’Ouest et du Nord, leur base électorale est constituée majoritairement de femmes, de jeunes de moins de 45 ans et de diplômés universitaires, ce qui favorise des programmes plus progressistes », souligne Caroline Close.